Voilà un peu plus d’un mois que nous nous réunissons pour faire avancer le scénario du film des habitants de Lalande. Le but n’étant pas de se conformer à ce qui s’était esquissé précédemment, le champs des possibles est grand ouvert. Organisées en ateliers d’écriture avec des outils d’éducation populaire, ces réunions nous ont d’abord permis de renouer avec les différents éléments qui ont été abordés l’année passée et les scènes déjà tournées mais aussi de laisser libre cours à l’imagination des participants, en fonction de ces données.
Ainsi, lors du premier atelier, l’équipe du CsA a présenté une soixantaine d’étiquettes sur lesquelles étaient inscrits tous les concepts évoqués dans les tournages et débats précédents. Après lecture de ceux-ci, les participants ont été amenés à écrire eux aussi, leur étiquette, celle-ci répondant à la question « dans notre film, je veux parler de… ». Tous les concepts étant alors retranscrits, les habitants ont pu les placer sur une « carte mentale » : un tableau des idées. Tour à tour, chacun déposait sa fiche là où il pensait qu’elle devait se trouver. Aussi, nous avons relié ces étiquettes entre elles, dès qu’une connexion pouvait se faire. C’est de cette manière que nous avons pu dégager des thématiques principales, constatant les noyaux de liens qui s’étaient créés par le travail collectif.
A partir de cette base commune, nous pouvions ensuite réfléchir et se mettre d’accord collectivement sur le discours de notre film. Un postulat, une valeur admise et partagée par tous autour du medium film qui ne bougera plus et répondant à la question «Pourquoi on fait un film ? »
Voici quelques propositions, d’abord individuelles : « On fait un film pour… »
– pour redessiner la trace du chemin du quartier, d’où il vient, où il est et proposer un chemin à prendre.
– pour que la mémoire d’un quartier ne disparaisse pas dans les transformations radicales qui s’opèrent aujourd’hui. Quel sens à donner aujourd’hui à la vie de quartier. Comment la faire créer, la faire vivre.
– pour réinventer notre réalité faire « comme si » c’était possible. Pour parler de nous. Pour se valoriser. Pour partager notre/nos visions de la vie du quartier. Pour dénoncer.
C’est alors que nous nous sommes séparés en deux groupes afin de discuter en plus petit comité de la question et de resserrer les idées ensemble. Dans le but de créer le discours de notre film, deux synthèses – finalement très similaires – ont été produites.
C’est donc ce qui nous amène au deuxième atelier. Nous avions terminé la session précédente sur une mise en commun de ces deux synthèses. Ce qui nous a permit de créer une ébauche de discours :
« On fait un film sur la transformation de notre quartier pour se remémorer des souvenirs et des valeurs afin de nous aider à faire un bilan aujourd’hui sur cette évolution et clarifier ce que nous voulons dénoncer ou sauvegarder pour réinventer notre présent, le choisir, le valoriser et le transmettre à nouveau.
Nous avons besoin des erreurs et des prouesses de notre passé pour construire notre présent et être maitre de notre futur. »
Dans la continuité de ce procédé, l’équipe du CsA a élaboré un tableau reprenant cette ébauche afin d’animer notre deuxième réunion. Au cours de celle-ci, les habitants ont pu placer des « étiquettes » (les éléments du film) dans le tableau représentant le discours. L’idée ici était de hiérarchiser les éléments, la liste de ceux-ci ayant été réduite par le collectif, suite à la première réunion.
Après l’élaboration de ce tableau, nous avons voulu partir d’une base collective: chaque participant ayant écrit un texte mettant en scène un personnage imaginaire (ou non) de son choix, se référant au discours créé. Cela nous a permis d’en sortir les actions et protagonistes principaux. Restent les choix, la discussion collective autour de ces éléments. Nous nous quittons après la lecture de nos écrits, des images et des idées plein la tête.
Ici, un exemple des textes qui ont été écrits à la fin de ce deuxième atelier…
« Comme j’aimais mon quartier ! Petit, j’allais piquer les cerises dans le jardin de grand-mère ! Et chercher des œufs dans la ferme voisine. Il y avait une noria sur laquelle je m’amusais à grimper jusqu’à en déchirer mes culottes. Quand je longeais la vigne du voisin en rentrant de l’école, je courrais pour éviter le regard des épouvantails qui me faisaient peur. Je crois même les avoir entendus chuchoter un certain soir de pluie en novembre.
Aujourd’hui j’ai grandi, les immeubles aussi, et les jardins rétrécissent comme des peaux de chagrin. Aujourd’hui j’ai vieilli, et les souvenirs me reviennent dans un brouillard qui mélange les bons souvenirs, les regrets, les espoirs, les craintes d’un avenir inconnu.
Là-bas, des jeunes ont crée un jardin collectif blotti entre les immeubles, comme un oasis dans un désert de béton. Ils y jettent des bombes de graines comme pour faire éclater le sol afin qu’il puisse encore libérer des plantes, des pousses, des légumes, des fleurs…la vie quoi ! Ils y sèment la vie.
Moi je vieillis encore et mon passé a fait de moi l’homme que je suis devenu, un contemplatif, après avoir usé mon dos sur cette terre lalandaise. Sur cette lande…
Que j’aimerais que ce quartier respire encore la lande comme par le passé !
Puissiez vous, vous les jeunes du XIII garder en vous cette force d’amour de la terre. Celle qui nous nourrit, nous porte, nous soigne… Et préserver ce qui nous est vital, à nous les humains. Comme un cocon abrite la métamorphose, Lalande, trouveras-tu les ailes nécessaires à ton envol pour que règne l’harmonie et la joie de vivre ? »
Lorsque nous nous retrouvons pour le troisième atelier, nous plaçons de nouveaux éléments sur une ligne, représentant le déroulement du film.
De l’âne de monsieur Belot au carnaval d’hier et d’aujourd’hui, nous tentons de placer les évènements sur le fil d’une ballade aux coins du quartier lalandais. La question des personnages reste à déterminer. Qui nous raconte une histoire ? Son histoire ? Celle du quartier ? A quelle action ils participent ? Où ils vivent ? Quelle relation avec d’autres personnages ? Quel rôle ? Le film aura-t-il la forme d’une fiction ou bien d’un documentaire ? Et pourquoi pas les deux ? Lorsque nous nous sommes quittés, ces questions restaient encore à être définies. Très bientôt, nous serons en mesure de planifier les tournages qui reprendront dans le courant du mois de juin.
N’hésitez pas à rejoindre notre équipe le jeudi 30 avril à 18 heures au club de la violette.